Axes de la conférence

Six axes scientifiques sont proposés : 

1 – Former et se former à l’écrit à l’université

Cet axe explore les dispositifs, pratiques, et approches pédagogiques qui soutiennent le développement des compétences écrites chez les étudiants et les enseignants dans l'enseignement supérieur. Les recherches sur la conceptualisation des dispositifs de formation universitaire (Knowles, 1975), sur l’ingénierie de ces dispositifs (Romiszowski, 1981), sur les pratiques d’étude ou d’enseignement à l’université (Trinquier et al., 1999), ainsi que sur la littératie universitaire (Delcambre et Lahanier-Reuter, 2012), constituent des fondements théoriques variés et complémentaires pour cet axe. Cette diversité enrichit l’analyse des pratiques et des approches pédagogiques à travers différents cadres de référence.

La maitrise de l’écrit de haut niveau (Beaudet et al., 2016) représente un enjeu central tant pour la réussite étudiante que pour la professionnalisation des enseignants-chercheurs. Cet axe interroge les modalités de formation à l’écrit, qu’elles soient formelles, informelles ou hybrides, à travers des dispositifs comme les cours disciplinaires, les ateliers d’écriture, ou encore les pratiques d’écriture en autonomie.

On s’intéresse ici à la diversité des formats de formation, aux ressources mobilisées, ainsi qu’aux outils numériques qui facilitent l’apprentissage de l’écrit, tels que ceux développés dans le cadre du projet écri+ et inscrits dans sa grille d’habiletés. Comment former les étudiants à répondre aux attentes académiques en matière d’écriture, tout en tenant compte de la diversité de leurs parcours préalables et de leurs compétences linguistiques ? Quelles initiatives permettent aux enseignants eux-mêmes de développer leurs capacités à accompagner les étudiants dans cet apprentissage, notamment via des formations continues ou des dispositifs de co-apprentissage entre pairs, et quel rôle central l’université peut-elle jouer en tant qu’acteur principal de soutien pour les étudiants ?

Les contributions à cet axe pourront notamment explorer des questions liées à l’accompagnement individualisé, à la pédagogie active, aux pratiques d'écriture réflexive comme une façon d’écrire pour penser. L’axe cherche aussi à comprendre comment les approches pédagogiques peuvent être adaptées pour mieux répondre aux besoins des étudiants en difficulté, et quels rôles jouent les tuteurs, les pairs et les enseignants dans la co-construction de compétences écrites solides. Enfin, l'utilisation des outils numériques comme levier de formation, et les nouvelles possibilités qu'ils ouvrent, seront au centre de nos discussions.

2 – Développer les compétences à l’écrit par l’évaluation et l’auto-évaluation

Cet axe a vocation à interroger les outils utilisés pour développer les compétences écrites à l’université (réécritures, portfolios, grilles, enquêtes, etc.) et les pratiques d’évaluation et d’autoévaluation dont se saisissent les enseignants et les étudiants. Sont bienvenus tous les travaux analysant les outils d’évaluation des compétences écrites et leurs usages par les étudiants, les praticiens et/ou les chercheurs, notamment s’agissant des outils qui prennent en considération l’autopositionement ou le sentiment de compétence des scripteurs en situation de production. 

Il peut s’agir de dispositifs de formation à l’écriture et la réécriture mis en œuvre dans les pratiques de l’écrit à l’université (Bourdet et al. 2021, 2022), particulièrement ceux qui, envisageant l’écriture comme un processus à travers lequel les étudiants développent des compétences, accordent toute leur importance aux écrits intermédiaires (dans la lignée de Bucheton, 2014). Il peut aussi s’agir de dispositifs d’enquête cherchant à questionner la perception qu’ont les étudiants de leurs compétences écrites, qui pourraient croiser leur regard avec écri+. Dans le projet, une première enquête « de besoins » explore la représentation que les étudiants se font de leur niveau de français à l’écrit, interroge leur niveau de satisfaction sur le dispositif d’accompagnement proposé et leur demande avec quel type de dispositifs ou supports ils seraient prêts à s’engager pour travailler au mieux les différentes compétences (Clayette et Salam, 2022). Une deuxième enquête dite de «méthode», portant sur les procédures mises en œuvre par les étudiants pour résoudre divers «problèmes» de langue (au sens de Ducancel, 1984), interroge leur ressenti face aux questions soumises et à l’activité d’explicitation de leurs méthodes, tout en sondant leur «auto-efficacité», ou « sentiment d’efficacité personnelle» face à un problème d’écriture (en reprenant le concept mis au point par le psychologue Albert Bandura, 2003). Selon Ducancel, « Il y a problème lorsque le sujet ne dispose pas immédiatement d’une réponse de routine applicable à la situation. La résolution de problème se distingue donc des conduites automatiques ou qui relèvent de routines, des conduites d’autoconditionnement, des conduites consistant seulement en l’application d’un savoir » (Ducancel, 1984, p. 2). La résolution du problème développe à la fois la capacité à identifier la difficulté rencontrée et le choix de solution pour la résoudre. 

Les contributions pourraient alimenter les réflexions méthodologiques sur les modalités de mise en place des outils d’évaluation et d’autoévaluation de l’écrit à l’université (quels dispositifs de formation ou protocoles d’enquête ? induisant quels usages ? avec quelles implications théoriques ? pour quels résultats ?). Elles pourraient contribuer à penser, d’un point de vue pédagogique et didactique, les pratiques d’accompagnement au développement des compétences écrites, ainsi que le rôle que les étudiants ont à jouer dans leur évaluation. Plus largement, il serait intéressant de réfléchir aux interactions entre évaluation objective et subjective dans les dispositifs d’écriture/réécriture mis en place dans l’enseignement supérieur, comme à l’articulation entre sentiment de compétence et performance dans le processus de construction et d’acquisition des compétences écrites attendues dans un contexte universitaire et/ou professionnel.

3 – Certifier un niveau de compétence en langue : méthodes et enjeux

La certification constitue un enjeu éducatif, social et politique majeur. Fondée sur une évaluation sommative visant à vérifier la conformité des connaissances et des compétences d’un apprenant à des objectifs d’apprentissage fixés dans le cadre d’une formation scolaire, universitaire ou professionnelle, elle sanctionne généralement la fin d’un cursus. « Socialement significative » (Tagliante, 2005), la certification aboutit à la délivrance d’un diplôme ou d’un certificat attestant par exemple un score à un test qui permet ensuite l’accès aux études supérieures, au monde du travail, à un emploi. Dans le cas de l’évaluation des compétences en langue, la création d’une certification suppose alors des choix didactiques tels que la sélection des savoirs et des savoir-faire à évaluer et par conséquent, la fixation d’une norme à partir de laquelle les résultats sont évalués, l’élaboration de niveaux de compétence, les outils adaptés aux objectifs évalués. Elle suppose en outre des décisions d’ordre matériel servant la réalisation concrète et optimale des choix didactiques. Dans le cas d’une certification prenant la forme d’un test, la dimension psychométrique vient s’ajouter au processus. La certification écri+certif, en place depuis septembre 2021, est ainsi le produit d’un certain nombre de choix ayant fait l’objet de discussions, que l’on souhaite poursuivre et ouvrir dans le cadre de cet axe. 

Les propositions pourront ainsi porter, entre autres, sur :

- les niveaux de compétence.

Comment déterminer des compétences en langue ? Comment définir un niveau ? Comment construire un niveau ? Un niveau évalué reflète-t-il fidèlement la compétence en langue ? Comment décider des habiletés et des connaissances qui relèvent de tels ou tels niveaux ? Pourquoi définir des niveaux ? Quels risques à définir des niveaux ?

- les outils d’évaluation pour la certification d’un niveau de langue 

Quels outils sont mobilisables et pour quoi ? Peut-on tout mesurer ? Comment ? Pourquoi le test est-il plébiscité ? Le test permet-il de prendre pleinement la mesure d’une compétence en langue ? Quels outils d’évaluation sont mobilisés pour quels objectifs d’évaluation ? Quels sont les critères psychométriques mobilisés ? 

- les enjeux des certifications en langue 

Une certification en langue peut-elle s’appuyer sur une autre unité de mesure que le point ? Quels sont les enjeux liés à l’unité de mesure (point vs acquis/non acquis) ? Pour quelles raisons éducatives, sociales, politiques proposer et obtenir une certification  ? Quels sont les enjeux politiques d’une certification en langue ? Comment les établissements universitaires prennent-ils en compte les prescriptions dans l’arrêté Licence sur l’obtention d’une certification en communication orale et écrite ? Quels sont les besoins des étudiants en matière de certification ? Comment faire reconnaitre une certification ? Comment une certification s’impose-t-elle par rapport à une autre ? Quels sont les rapports entre certification et diffusion ou maintien d’une langue dans le monde ?

- l’impact de la certification en langue 

Pourquoi et en vue de quoi valoriser certains savoirs et savoir-faire par rapport à d’autres ? Quelle hiérarchisation des savoirs et des savoir-faire une certification entraine-t-elle ? Quels sont les effets de la norme de référence sur les pratiques langagières des locuteurs ? Quels sont les impacts de la certification sur l’avenir professionnel des étudiants ? Sur leur estime de soi ? Sur leur motivation à apprendre ?

4 – Littératie et contextualisation disciplinaire

Cet axe permettra d’examiner les relations entre écriture(s) et disciplines universitaires (Pollet, Boch, 2002 ; Boch, Laborde-Milaa, Reuter, 2004). Les difficultés d’écriture des étudiants sont de plus en plus envisagées sous l’angle des relations avec les contextes dans lesquels les étudiants écrivent, voire en termes de modes d’entrée dans des univers culturels nouveaux. Selon Delcambre et Lahanier-Reuter (2010), la prise en compte de ces relations permet de déplacer l’analyse des difficultés d’écriture des étudiants et d’ouvrir des perspectives théoriques nouvelles. 

Le projet écri+ souhaite mener une réflexion sur ce plan. Il propose aux étudiants des ressources pour le développement des compétences en expression et compréhension écrites du français académique. À partir de ces ressources, les établissements sont libres de mettre en place les formations qu’ils souhaitent. Comment ce dispositif est-il utilisé suivant les disciplines universitaires et en fonction des écrits attendus ? Comment écri+ est-il susceptible de répondre aux besoins des étudiants dans une perspective plus transversale ?

On attend ici des travaux mettant en avant une articulation forte entre l’analyse du corpus d’écrits universitaires ciblé et le contexte dans lequel ces écrits ont été produits. Les attentes en matière de genres textuels et de normes scripturales sont en effet différentes selon les disciplines (voire les sous-disciplines) ; le cadre du processus de production est donc envisagé ici comme constitutif de l’observation des faits linguistiques. 

5 – Littératie en contexte plurilingue

Il s’agit, dans cet axe, d’interroger le développement de compétences scripturales d’étudiants dont le français n’est pas la langue maternelle ou première (Fenclová, 2014). Dans le contexte universitaire français, le plurilinguisme est présent dans les groupes d’apprenants (qu’il s’agisse d’apprenants multilingues ou d’apprenants non natifs du français et découvrant la langue ou issus de l’immigration). Bien que le projet écri+ n’adopte pas une approche relevant du Français Langue Étrangère, plusieurs établissements d’enseignement supérieur francophones et non francophones à l’étranger proposent la formation à leurs étudiants moyennant certaines adaptations. 

De tels dispositifs pédagogiques questionnent, par exemple, la façon de tenir compte des compétences plurilingues des étudiants dans l’enseignement/apprentissage de l’écrit (lecture/écriture) ? Est-il ou non pertinent de prendre en compte les langues d’origine des apprenants ou encore l’existence de systèmes graphiques différents dans la pratique du français écrit ? Plus concrètement, comment travailler en présentiel les pratiques d’écriture en lien avec les difficultés grammaticales, hétérogènes, pointées par écri+ ? Un « niveau seuil » en français est-il souhaitable pour intégrer ces formations ? Un même niveau en français (CECRL) peut-il recouvrir un ensemble (relativement) homogène de difficultés à l’écrit ? Que peut nous apprendre une étude comparée des erreurs enregistrées par écri+, s’agissant de publics différents (FLE/FLS et FLM, en licence et en master) ? 

Dans le contexte québécois, la cohabitation du français et de l’anglais ne s’est pas faite si facilement (Molinari, 2008), tout comme en Belgique avec le flamand et le français (Ledegen, 1998) : on peut alors s’interroger sur les enjeuxque revêt l’enseignement/apprentissage de l’écrit académique en contexte plurilingue, ou encore sur la façon dont on enseigne l’écrit dans d’autres cultures éducatives. 

Enfin, les contributions qui s’intéressent au sentiment d’insécurité linguistique en lien avec le plurilinguisme (Francard, 1993 ; Calvet, 2000) sont également les bienvenues. Comment les apprenants plurilingues se représentent-ils la langue française ? Comment identifient-ils ou qualifient-ils leurs difficultés ? Quels sont les effets de ces représentations sur le développement des compétences écrites et l’insécurité linguistique ?

6 – Les variations à l’écrit

Ce dernier axe accueillera en priorité les études interrogeant les normes académiques en matière d’écrits estudiantins ou les règles linguistiques habituellement en circulation. Les productions écrites seront ainsi examinées à travers le prisme des normes flottantes ou discutables portant sur des objets linguistiques divers : ponctuation, lexique, syntaxe, cohérence textuelle, etc. Outre ces études descriptives inscrites en linguistique, les variations dans les écrits peuvent également faire l’objet de travaux didactiques. Comment traiter les écarts à la norme écrite en formation d’enseignants ? Comment déclencher des prises de conscience sur le fait que l’analyse de ces écarts ne peut s’appuyer sur des frontières nettes entre acceptable et non acceptable, normé et non normé ? 

Ainsi, dans la lignée des travaux de Reichler-Beguelin (par ex. 1993) et Combettes (par ex. 2005), travaux pionniers dans le parti affiché d’intégrer les usages considérés comme « déviants » dans la description linguistique, on attendra ici des travaux (1) interrogeant les normes (explicites et implicites) qui gouvernent souvent le regard des enseignants | et celui de l’institution | sur les textes d’étudiants, (2) cherchant à outiller les enseignants et formateurs lorsqu’ils sont face à des faits de langue non standard, en situation de correction de copies par exemple. Une stratégie didactique fondée sur une compréhension fine de ces usages peut en effet aider le formateur à rationaliser sa pratique et à « réinclure de manière maitrisée, dans sa démarche, l'inévitable dimension normative. » (Reichler-Beguelin, 1995). Ce regard ouvert à la variation nécessite d’être travaillé chez les enseignants, et convient d’être intégré dans la réflexion du projet écri+.

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Chaque thématique sera introduite par une conférence et se développera dans des ateliers permettant de partager les différents travaux menés au sein d’écri+ et hors d’écri+, avec aussi des ateliers d’expérimentation des pratiques, démarches et outils visant l’appropriation de l’écrit.

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