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Conférences invitéesCaroline Scheepers (Université Saint-Louis – Bruxelles – Belgique)Quand dire, c’est écrire L’oral et l’écrit, sur le plan de la réception ou de la production, ont longtemps été envisagés sous la forme d’une tension et dans une perspective plutôt scriptocentrée (Scheepers, 2023). Pourtant, l’écrit et l’oral scolaires ne peuvent fonctionner indépendamment l’un de l’autre (Schneuwly, 2017). Le constat s’avère sans doute encore plus aigu à l’université. De même, écrit et oral sont souvent considérés dans une perspective restrictive, alors qu’ils s’avèrent pluridimensionnels dans la mesure où ils agrègent des savoirs et des procédures multiples, des affects, des sensations, des images de soi et d’autrui, des composantes identitaires… Ils cristallisent en outre les expériences antérieures du sujet et se déploient dans des contextes spécifiques qui contribuent à les formater. Des enquêtes écrites et des entretiens à plus ou moins large échelle ont éclairé les pratiques déclarées et les représentations des étudiants. Mais rares sont les travaux francophones à avoir comparé les pratiques des néophytes et des experts. Citons parmi d’autres quelques études qui se sont attachées à la gestion de la polyphonie discursive (Boch & Grossman, 2002), à l’usage des anaphores démonstratives (Boch & Rinck, 2016) ou au plagiat (Dolignier, 2021). La conférence sera l’occasion d’analyser les pratiques déclarées et effectives de primo-étudiants en droit et d’enseignants-chercheurs experts de l’écriture scientifique s’agissant des écrits qui précèdent, accompagnent ou suivent une intervention orale (exposé en classe, conférence…). Le corpus sera hybride. Il comportera des données écrites (brouillons divers, diaporama, etc.) et orales (des captations d’exposés estudiantins réalisés à l’université). Il inclura des pratiques effectives et des pratiques déclarées, recueillies lors d’entretiens longs et semi-directifs. La conférence analysera leurs témoignages et les documents personnels qu’ils nous auront confiés. Les résultats contribueront à alimenter les recherches, mais aussi les formations en la matière. Références bibliographiques Boch, F. & Grossman, F. (2002). Se référer au discours d’autrui : comparaison entre experts et néophytes. Enjeux, 54, 41-51. Boch, F. & Rinck, F. (2016). Anaphores démonstratives dans les écrits d’étudiants de Master : comparaison avec les pratiques expertes. Linx, 72, 111-130. Dolignier, C. (2021). Écriture d’auteur, écriture plagiaire. Une étude de cas à travers la variable de l’expertise. Dans C. Scheepers (dir.), Former à l’écrit, former par l’écrit dans le supérieur (pp. 221-233). De Boeck Supérieur. Scheepers, C. (dir.) (2023). Former à l’oral, former par l’oral dans le supérieur. Louvain-la-Neuve : De Boeck. *********************************************************** Daniel Bart (Université Toulouse-Jean Jaurès)Certification de compétences et littératies universitaires : un inévitable paradoxe ? Cette conférence cherchera à montrer en quoi l’analyse des visées et formes de certification et d’évaluation propres au monde scolaire et universitaire peut nourrir le questionnement d’une approche certificative de la littératie universitaire et des compétences en langue. Comme le précise l’appel à communications du colloque, le développement de la recherche sur les littératies universitaires s’est en effet particulièrement appuyé sur des approches contextualisées, attachées à éclairer les spécificités culturelles, sociales, disciplinaires, etc. dans lesquelles ces compétences se construisent. C’est ainsi qu’on peut entendre le choix du pluriel à « littératies universitaires » dans le titre du colloque. En quoi donc une telle approche vient questionner une logique certificative qui par définition peut s’entendre à l’inverse dans sa dimension générique ? Et en quoi cette logique certificative vient en retour interroger ces recherches sur les littératies universitaires ? C’est en nous appuyant sur une tradition de recherche critique sur l’évaluation, tant en sciences de l’éducation qu’en didactique et en littératie, que cette conférence proposera d’ouvrir quelques pistes de réflexion. Cette analyse critique s’appuiera également sur un questionnement du dispositif sur lequel repose l’approche certificative d’écri+ (tests, exercices, barèmes, etc.), qui sera mise en débat avec d’autres dispositifs proches consacrés à l’évaluation des compétences en langues. Ces analyses nous conduiront à envisager en quoi ces modalités évaluatives et de certificatives peuvent manifester des tensions renvoyant au paradoxe possible d’un dispositif générique de certification de compétences dont le développement est pourtant fondé sur une approche contextuelle de l’écrit et de ses compétences. Nous verrons alors que de telles observations permettent d’identifier les contraintes institutionnelles et disciplinaires qui pèsent sur l’enseignement de l’écrit universitaire, dont l’évaluation certificative constitue un rouage majeur. Références bibliographiques Bart, D. Daunay, B. & Donahue, T. (2023). Comparative Analysis Test of Grids across Contexts: The Careful Work of Exchange. Journal für Schreibwissenschaft , 25(14), 21-31. https://www.wbv.de/shop/Comparative-Analysis-Grids-across-Contexts-JOS2301W003 Bart, D. et Daunay, B. (2021). Changement et continuité dans le discours de recherche en didactique. Lidil, 63. https://doi.org/10.4000/lidil.8639 Bart, D. (2014). La littéracie dans PISA : entre essentialisation du réel et mobilisation diffuse de contenus disciplinaires. Spirale, 53, 111-120. https://doi.org/10.3406/spira.2014.1053 *********************************************************** Marie-Christine Pollet ( Université Libre de Bruxelles - Belgique)Prendre en compte les spécificités disciplinaires pour penser des formations contextualisées à l’écriture scientifique. Un regard théorique et une étude de cas. L’analyse des liens entre l’écriture académique et les spécificités des contextes disciplinaires a donné lieu, ces trente dernières années, à de nombreuses publications qui ont fait évoluer les perceptions des difficultés d’écriture des étudiants (Delcambre et Lahanier-Reuter, 2010). A l’aune de ce nouveau regard, les écrits scientifiques dans diverses disciplines ont été particulièrement observés, faisant émerger de nombreuses questions à propos des types de formation à favoriser. A cet égard, certaines intentions et conduites discursives constitutives de l’écriture scientifique, liées à la nécessité de partir de l’existant pour produire de nouvelles connaissances, peuvent être considérées comme transversales. Néanmoins, leurs manifestations linguistiques sont fortement liées aux contextes disciplinaires, en termes de spécificités non seulement épistémologiques mais aussi culturelles, institutionnelles et, partant, méthodologiques (Delcambre, 2012 – Pollet, 2019, 2024). J’évoquerai tout d’abord quelques travaux qui, sans nier les aspects transversaux caractérisant l’activité et l’écriture de recherche, privilégient une approche variationniste plutôt qu’universaliste des écrits scientifiques, tenant compte de la diversité des disciplines et/ou des genres attendus dans tel ou tel environnement. Je me réfèrerai notamment, pour ce faire, aux analyses particulièrement éclairantes de Grossmann (entre autres 2012). Je me pencherai ensuite sur le cas, particulièrement situé, de l’écriture scientifique dans la filière d’Histoire de mon université. Dès le début du cursus, celle-ci inscrit son enseignement et les travaux demandés aux étudiants dans une tradition de recherche qui, outre les sources secondaires, accorde une extrême importance à l’exploitation et la visibilité des sources primaires. M’appuyant sur divers supports (guides fournis aux étudiants, entretiens avec les enseignants, travaux d’étudiants, écrits de chercheurs experts) et sur les cours dits « méthodologiques » de la filière, je mettrai la focale sur la spécificité qui guide l’écriture de la recherche en Histoire dans mon institution et représente la principale difficulté pour les étudiants : articuler trois systèmes discursifs (les sources primaires, les sources secondaires, et le propos de l’auteur lui-même) dans un texte cohérent problématisant un objet de recherche. Dans ce cas précis, c’est cet entrelacs, en tant que fait linguistique particulier, que je voudrais montrer, à la fois comme point d’arrivée de l’analyse d’un fonctionnement disciplinaire et comme point central d’une formation contextualisée à l’écriture scientifique. Références bibliographiques Delcambre, I. (2012). « De l’utilité de la notion de littéracies pour penser la lecture et l’écriture dans l’enseignement supérieur ». Dyptique, 34, pp. 19-35. Delcambre et Lahanier-Reuter, D. (2010). « Les littéracies universitaires. Influence des disciplines et du niveau d’étude dans les pratiques de l’écrit ». Dyptique, 18, pp. 11-42. Grossmann, F. (2012). « Pourquoi et comment cela change ? Standardisation et variation dans le champ des discours scientifiques ». Pratiques [En ligne], 153-154 http://journals.openedition.org/pratiques/1976 Pollet, M.-C (2019). « Les littéracies universitaires : un champ de la didactique pour penser et construire l’intégration des étudiants dans leur communauté discursive », dans : G. Messier et L. Lafontaine (éd.), Littératie : entre pratiques scolaires et extrascolaires, Côte-Saint-Luc : éditions Peisaj, 2019, pp. 111-126. Pollet, M.-C (2024). « Pour une didactique des discours dans l’enseignement supérieur. L'explicatif comme curseur de variations génériques ? », Diptyque, 42, pp. 141-156. *********************************************************** Olivier Dezutter et Caroline Dault (Université de Sherbrooke – Québec - Canada)Littératies et contextes plurilingues Une partie importante de la population étudiante effectue des études supérieures dans une autre langue que celle qui a été la langue principale de leur scolarisation antérieure. Quels défis représente l’appropriation des littératies universitaires dans une nouvelle langue d’études ? Sur quoi prendre appui pour aider à relever ces défis? Les travaux sur la compétence plurilingue et pluriculturelle (Piccardo, 2021; Moore et Gajo, 2009; Conseil de l’Europe, 2001; Coste et al., 1997/2009) offrent un cadre qui permet à la fois de saisir la nature des défis en question et d’orienter les pratiques d’enseignement en tenant compte du profil sociolinguistique, socioculturel et socioéducatif des personnes apprenantes. Dans la première partie de la conférence, nous situerons les enjeux et évoquerons les éléments saillants de ce cadre et de quelques autres travaux sur l’acquisition des langues. Dans la seconde partie, nous montrerons comment la perspective plurilingue a été prise en compte dans trois projets ciblant des groupes particuliers de personnes apprenantes dans l’enseignement supérieur : des personnes étudiant le français dans une université anglophone (Dault, 2025), des étudiantes et étudiants en situation d’exil (Meunier et al., 2024) ainsi que des personnes migrantes ayant terminé le programme de francisation organisé par le Ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration au Québec et désireuses de poursuivre une formation postsecondaire. Références bibliographiques Coste, D., Moore, D., & Zarate, G. (2009). Compétence plurilingue et pluriculturelle (parution initiale: 1997). Conseil de l’Europe. (2001). Cadre européen commun de référence pour les langues: Apprendre, enseigner, évaluer. Didier; WorldCat.org. Moore, D. et Gajo, L. (2009). Introduction. French voices on plurilingualism and pluriculturalism: Theory, significance and perspectives. International Journal of Multilingualism, 6(2), 137-153. https://doi.org/10.1080/14790710902846707 Piccardo, E. (2021). The mediated nature of plurilingualism. Dans E. Piccardo, A. Germain-Rutherford et G. Lawrence (dir.), The Routledge handbook of plurilingual language education, p. 65-81. Routledge. https://doi.org/10.4324/9781351002783 Dault, C. (2025). Mise en oeuvre de pratiques d’enseignement plurilingues et interculturelles du français langue additionnelle: une recherche-action pédagogique auprès de personnes étudiant dans une université anglophone. Thèse de doctorat en éducation, Université de Sherbrooke *********************************************************** Fanny Rinck ( Université Grenoble Alpes)L’analyse des besoins des scripteurs par l’identification des écarts dans leurs textes Les corpus d’écrits d’apprenants, comme les écrits du numérique ou ceux des « peu-lettrés » sont déterminants pour cerner la réalité des usages de l’écrit : ils transgressent des normes « orthographiques, typographiques, lexicales, syntaxiques, génériques », telles qu’elles peuvent être « codifiées par des guides, dictionnaires, grammaires » et questionnent ainsi les « codes sociaux » relatifs à « ce qu’il est licite d’écrire » (Steuckardt & Collette, 2019 : 2). Réciproquement, dans une perspective didactique, le constat d’écarts et la volonté de mieux accompagner les scripteurs n’est pas sans faire écho à la vocation de la grammaire du « bon usage », « d’abord préoccupée par la correction des textes écrits » (Rastier, 2008 : 1). Dans le champ des littéracies universitaires et avancées, la linguistique est appelée à intervenir dans la définition des objets à travailler en formation, à la fois sous l’angle des caractéristiques attendues des textes et des difficultés que rencontrent les scripteurs à en faire un usage maitrisé. Ce champ a d’abord porté un intérêt marqué à la contextualisation des pratiques, notamment en termes de codes culturels et d’entrée dans une communauté. Il s’est également intéressé aux genres de textes, leurs caractéristiques linguistiques et leur appropriation par des étudiants (Delcambre & Lahanier-Reuter, 2010). Les offres de formation ciblent cependant différents aspects liés à la maîtrise de l’écrit indépendamment de la question des genres, parfois exclusivement l’orthographe, mais parfois aussi d’autres aspects. Mon exposé se centrera sur ce que je propose de nommer des zones de fragilité à l’écrit, conçues comme étant a priori transversales à différents genres, disciplines ou sphères d’activité. Caractéristiques d’acquisitions tardives, elles concernent plusieurs niveaux d’analyse (orthographe, ponctuation, lexique etc.). Je présenterai dans un premier temps un état des lieux de travaux s’attachant à identifier des écarts, diversement traités comme erreurs, problèmes, maladresses (Garnier, Rinck, Sitri & de Vogüé, 2016). Le terme de zones de fragilité a pour but d’éviter d’en rester à un relevé d’occurrences. Dans un second temps, je discuterai de quelques problèmes que pose l’identification d’écarts : les typologies d’erreurs et leur quantification, la réception des écrits et le sentiment d’écart, et enfin la nécessité d’approches complémentaires pour cerner plus finement les besoins des scripteurs par rapport aux compétences en acte dans la production écrite. Références Delcambre I. & Lahanier-Reuter D. (2010). Les littéracies universitaires. Influence des disciplines et du niveau d’étude dans les pratiques de l’écrit. Diptyque, 18, 11-42. Garnier S., Rinck F., Sitri F. & Vogüe de S. (eds) (2016). Former à l’écrit universitaire : un terrain pour la linguistique ? Linx 72, Nanterre, Presses Universitaires de Paris Ouest. En ligne : https://journals.openedition.org/linx/1588 Rastier F. (2008). Conditions d’une linguistique des normes. Texto, XVIII(3). En ligne : http://www.revue-texto.net/docannexe/file/1612/rastier_normes.pdf Steuckardt A. & Collette K. (eds) (2019). Écrits hors-normes. Sherbrooke, Les Éditions de l’université de Sherbrooke. ***********************************************************
Fatiha Tali (Université Toulouse-Jean Jaurès)
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